Pour tous ceux qui se mobilisent aujourd’hui, c’est ce grand récit sur la fin de nos vies et le sens de l’évolution qui est désormais archaïque. Stiegler's daughter Barbara (born 1971) is also a philosopher. [...] Et pourtant, cette concertation n'a pas marché, elle a laissé de multiples zones d'ombres, parmi lesquelles, bien sûr, ce qui était très important, le financement. Plon, 2019 Numérisation technologique que nous étudions, depuis 2015, à travers l’œuvre de Bernard Stiegler, centrée sur La technique et le temps, et trois de ces livres : La société automatique ; Dans la disruption ; Qu’appelle-t-on panser ?. Découvrez nos newsletters complémentaires Épisode : Retraites : fin de la réforme ou fin de la grève ? Où allons-nous ?" Selon ce grand récit inventé par le néolibéralisme dans les années 1930 et qui a gagné la bataille politique et culturelle à partir des années 1970, tel serait en effet le sens inéluctable de l’histoire, conférant à l’Etat une mission révolutionnaire : celle de faire table rase de tous les héritages du passé et de réquisitionner tous les temps de la vie pour les inclure dans ce grand jeu de la compétition mondiale. Le jeu proposé est d’ailleurs double, mais c’est toujours le jeu de la compétition : si l’on n’a pas capitalisé assez de points dans le jeu «par répartition», ou si l’on anticipe par exemple que les points vont nécessairement baisser du fait de la démographie, on est encouragé à jouer au jeu de la retraite «par capitalisation», comme l’explique en toutes lettres la loi Pacte. La réforme des retraites, une série à suspense A partir de là, et comme dans le sport de compétition, le but est que le meilleur gagne.
Qui sommes-nous ? Barbara Stiegler : «Pour le néolibéralisme, l’idée que l’on puisse se retirer est un archaïsme» Professeure à l’université Bordeaux-Montaigne, la philosophe Barbara Stiegler a publié cette année un essai remarqué sur cet esprit du néolibéralisme, intitulé Je crois que nous assistons à un affrontement de très grande ampleur, probablement historique, qui dépasse très largement les débats techniques entre experts sur les avantages comparés d’une réforme «systémique» ou «paramétrique» et qui déborde la seule question des retraites, au sens étroit du terme. Covid : Querdenken 711, mouvement organisateur de la manifestation du 1er août à Berlin, est-il d'extrême droite ?
Au lieu de permettre de se retirer du jeu, d’inventer un nouveau rapport au travail, au temps ou à la vie en général, elle intensifie le jeu de la compétition mondiale sur le marché. Mais cette vision prophétique se fracasse aujourd’hui sur une tout autre réalité : celle de l’explosion des inégalités, qui se décuple à la fin de nos vies, quand les plus défavorisés cumulent une fin de carrière au chômage et l’irruption précoce de la maladie et de la dépendance. A partir de là, et comme dans le sport de compétition, le but est que le meilleur gagne. Barbara Stiegler : «Pour le néolibéralisme, l’idée que l’on puisse se retirer est un archaïsme» Barbara Stiegler : «Pour le néolibéralisme, l’idée que l’on puisse se retirer est un archaïsme» Par Simon Blin — 20 décembre 2019 à 20:51 A Paris, le 5 décembre. La contestation autour de la réforme des retraites est-elle l’occasion de critiquer plus profondément l’injonction faite à chacun d’être dans la performance de soi, au travail comme dans la sphère privée, jusqu’au dernier jour de sa vie ? Car avec la souffrance au travail qui monte un peu partout, avec l’épuisement des ressources physiques et psychiques que produit le rythme de la compétition, sorte de redoublement intime de l’épuisement planétaire des ressources produit par la surchauffe de l’économie mondialisée, le sentiment grandit que cette vision du monde menace à la fois nos propres vies et toute forme de vie sur terre.L’idée est en effet d’imposer un certain récit sur l’avenir de nos vies : celle d’une espérance de vie toujours plus longue, dans laquelle le travail et la compétition feront indéfiniment reculer la mort et toujours plus triompher la justice. [...] C'est un texte qui a été âprement négocié entre la CFDT et Matignon. Il y a eu une consultation citoyenne, des négociations avec les syndicats pendant des mois. Ce que toutes les classes sociales et toutes les générations sont peut-être en train de réaliser, c’est que le néolibéralisme ne se contente pas de servir les intérêts d’une économie mondialisée.Pour réaliser ce programme, il impose aux populations un nouveau grand récit sur le sens de l’histoire et sur la fin de l’évolution, qui n’hésite pas à mobiliser le lexique biologique de l’adaptation, de la sélection et de la compétition dans la lutte pour la vie.